Fonction de Tchebychev

La fonction de Tchebychev ψ(x) pour x < 50

En mathématiques, la fonction de Tchebychev peut désigner deux fonctions utilisées en théorie des nombres. La première fonction de Tchebychev ϑ(x) ou θ(x) est donnée par

ϑ ( x ) = p x ln p {\displaystyle \vartheta (x)=\sum _{p\leq x}\ln p}

où la somme est définie sur les nombres premiers p inférieurs ou égaux à x.

La seconde fonction de Tchebychev ψ(x) est définie de façon similaire, la somme s'étendant aux puissances premières inférieures à  x :

ψ ( x ) = p k x ln p = n x Λ ( n ) = p x ln p x ln p , {\displaystyle \psi (x)=\sum _{p^{k}\leq x}\ln p=\sum _{n\leq x}\Lambda (n)=\sum _{p\leq x}\left\lfloor \ln _{p}x\right\rfloor \ln p,}

Λ désigne la fonction de von Mangoldt. Les fonctions de Tchebychev, notamment la seconde ψ(x), sont souvent utilisées dans des résultats sur les nombres premiers, car elles sont plus simples à utiliser que la fonction de compte des nombres premiers, π(x) (voir la formule exacte, plus bas). Les deux fonctions de Tchebychev sont asymptotiquement équivalentes à x, un résultat similaire au théorème des nombres premiers.

Les deux fonctions sont nommées d'après Pafnouti Tchebychev.

Relations

La seconde fonction de Tchebychev peut être liée à la première comme suit :

ψ ( x ) = p x k ln p {\displaystyle \psi (x)=\sum _{p\leq x}k\ln p}

k est l'unique entier tel que pkx et x < pk + 1. Les valeurs de k sont données dans la suite OEIS A206722. Une relation plus directe est donnée par

ψ ( x ) = n = 1 ϑ ( x 1 n ) . {\displaystyle \psi (x)=\sum _{n=1}^{\infty }\vartheta \left(x^{\frac {1}{n}}\right).}

On remarque que la dernière somme a seulement un nombre fini de termes non-nuls :

ϑ ( x 1 n ) = 0 pour n > log 2 x   = ln x ln 2 . {\displaystyle \vartheta \left(x^{\frac {1}{n}}\right)=0\quad {\text{pour}}\quad n>\log _{2}x\ ={\frac {\ln x}{\ln 2}}.}

La seconde fonction de Tchebychev est le logarithme du plus petit commun multiple des entiers de 1 à n.

ppcm ( 1 , 2 , , n ) = e ψ ( n ) . {\displaystyle \operatorname {ppcm} (1,2,\dots ,n)={\rm {e}}^{\psi (n)}.}

Les valeurs de ppcm(1,2,...,n) pour un entier n sont données par OEIS A003418.

Équivalents asymptotiques et bornes

On connait les bornes suivantes pour les fonctions de Tchebychev[1],[2] (dans ces formules pk est le k-ème nombre premier : p1 = 2, p2 = 3, etc.)

ϑ ( p k ) k ( ln k + ln ln k 1 + ln ln k 2 , 050735 ln k ) pour  k 10 11 , ϑ ( p k ) k ( ln k + ln ln k 1 + ln ln k 2 ln k ) pour  k 198 , | ϑ ( x ) x | 0 , 006788 x ln x pour  x 10 544 111 , | ψ ( x ) x | 0 , 006409 x ln x pour  x e 22 , 0 , 9999 x < ψ ( x ) ϑ ( x ) < 1 , 00007 x + 1 , 78 x 3 pour  x 121. {\displaystyle {\begin{aligned}\vartheta (p_{k})&\geq k\left(\ln k+\ln \ln k-1+{\frac {\ln \ln k-2,050735}{\ln k}}\right)&&{\text{pour }}k\geq 10^{11},\\[8px]\vartheta (p_{k})&\leq k\left(\ln k+\ln \ln k-1+{\frac {\ln \ln k-2}{\ln k}}\right)&&{\text{pour }}k\geq 198,\\[8px]|\vartheta (x)-x|&\leq 0,006788{\frac {x}{\ln x}}&&{\text{pour }}x\geq 10\,544\,111,\\[8px]|\psi (x)-x|&\leq 0,006409{\frac {x}{\ln x}}&&{\text{pour }}x\geq e^{22},\\[8px]0,9999{\sqrt {x}}&<\psi (x)-\vartheta (x)<1,00007{\sqrt {x}}+1,78{\sqrt[{3}]{x}}&&{\text{pour }}x\geq 121.\end{aligned}}}

De plus, sous l'hypothèse de Riemann,

| ϑ ( x ) x | = O ( x 1 2 + ε ) | ψ ( x ) x | = O ( x 1 2 + ε ) {\displaystyle {\begin{aligned}|\vartheta (x)-x|&=O\left(x^{{\frac {1}{2}}+\varepsilon }\right)\\|\psi (x)-x|&=O\left(x^{{\frac {1}{2}}+\varepsilon }\right)\end{aligned}}}

pour tout ε > 0.

Des bornes supérieures existent pour ϑ(x) et ψ(x) telles que[3],[2]

ϑ ( x ) < 1 , 000028 x ψ ( x ) < 1 , 03883 x {\displaystyle {\begin{aligned}\vartheta (x)&<1,000028x\\\psi (x)&<1,03883x\end{aligned}}}

pour tout x > 0.

Une explication de la constante 1,03883 est donnée par OEIS A206431.

La formule exacte

En 1895, Hans Carl Friedrich von Mangoldt a prouvé[4] une expression explicite pour ψ(x) comme une somme sur les zéros non triviaux de la fonction zeta de Riemann :

ψ 0 ( x ) = x ρ x ρ ρ ζ ( 0 ) ζ ( 0 ) 1 2 ln ( 1 x 2 ) . {\displaystyle \psi _{0}(x)=x-\sum _{\rho }{\frac {x^{\rho }}{\rho }}-{\frac {\zeta '(0)}{\zeta (0)}}-{\tfrac {1}{2}}\ln(1-x^{-2}).}

(La valeur numérique de ζ′(0)/ζ(0) est ln(2π).) Ici, ρ parcourt les zéros non triviaux de la fonction zêta, et ψ0 est égale à ψ, sauf en ces points de discontinuités (les puissances premières), où elle prend la valeur moyenne entre les valeurs haute et droite :

ψ 0 ( x ) = 1 2 ( n x Λ ( n ) + n < x Λ ( n ) ) = { ψ ( x ) 1 2 Λ ( x ) x = 2 , 3 , 4 , 5 , 7 , 8 , 9 , 11 , 13 , 16 , ψ ( x ) sinon. {\displaystyle \psi _{0}(x)={\tfrac {1}{2}}\left(\sum _{n\leq x}\Lambda (n)+\sum _{n<x}\Lambda (n)\right)={\begin{cases}\psi (x)-{\tfrac {1}{2}}\Lambda (x)&x=2,3,4,5,7,8,9,11,13,16,\dots \\[5px]\psi (x)&{\mbox{sinon.}}\end{cases}}}

De la série de Taylor pour le logarithme, le dernier terme dans la formule explicite peut être écrit comme la somme de xω/ω sur les zéros triviaux de la fonction zêta, ω = −2, −4, −6, ..., i.e.

k = 1 x 2 k 2 k = 1 2 ln ( 1 x 2 ) . {\displaystyle \sum _{k=1}^{\infty }{\frac {x^{-2k}}{-2k}}=-{\tfrac {1}{2}}\ln \left(1-x^{-2}\right).}

De même, le premier terme, x = x1/1, correspond au pôle simple de la fonction zêta en 1.

Propriétés

Un théorème d'Erhard Schmidt affirme que, pour une constante positive explicite K, il y a un nombre infini d'entiers naturels x tels que

ψ ( x ) x < K x {\displaystyle \psi (x)-x<-K{\sqrt {x}}}

et un nombre infini d'entiers naturels x tels que[5],[6]

ψ ( x ) x > K x . {\displaystyle \psi (x)-x>K{\sqrt {x}}.}

En notation de Landau, on peut l'écrire sous la forme

ψ ( x ) x o ( x ) . {\displaystyle \psi (x)-x\neq o\left({\sqrt {x}}\right).}

Hardy et Littlewood[6] ont trouvé le résultat suivant, plus précis :

ψ ( x ) x o ( x ln ln ln x ) . {\displaystyle \psi (x)-x\neq o\left({\sqrt {x}}\ln \ln \ln x\right).}

Relation aux primorielles

La première fonction de Tchebychev est le logarithme de la primorielle de x, noté x#:

ϑ ( x ) = p x ln p = ln p x p = ln ( x # ) . {\displaystyle \vartheta (x)=\sum _{p\leq x}\ln p=\ln \prod _{p\leq x}p=\ln \left(x\#\right).}

On prouve ainsi que le primoriel x# est asymptotiquement égal à e(1 + o(1))x, et avec le théorème des nombres premiers, on peut déduire le comportement asymptotique de pn#.

Relation à la fonction de compte

La fonction de Tchebychev peut être reliée à la fonction de compte des nombres premiers. Si on pose

Π ( x ) = n x Λ ( n ) ln n . {\displaystyle \Pi (x)=\sum _{n\leq x}{\frac {\Lambda (n)}{\ln n}}.}

Alors

Π ( x ) = n x Λ ( n ) n x d t t log 2 t + 1 ln x n x Λ ( n ) = 2 x ψ ( t ) d t t log 2 t + ψ ( x ) ln x . {\displaystyle \Pi (x)=\sum _{n\leq x}\Lambda (n)\int _{n}^{x}{\frac {\mathrm {d} t}{t\log ^{2}t}}+{\frac {1}{\ln x}}\sum _{n\leq x}\Lambda (n)=\int _{2}^{x}{\frac {\psi (t)\,\mathrm {d} t}{t\log ^{2}t}}+{\frac {\psi (x)}{\ln x}}.}

La transition de Π à la fonction de compte, π, est obtenue à l'équation

Π ( x ) = π ( x ) + 1 2 π ( x ) + 1 3 π ( x 3 ) + {\displaystyle \Pi (x)=\pi (x)+{\frac {1}{2}}\pi ({\sqrt {x}})+{\tfrac {1}{3}}\pi \left({\sqrt[{3}]{x}}\right)+\cdots }

Puisque π(x) ≤ x, pour l'approximation, cette dernière relation peut être réécrite

π ( x ) = Π ( x ) + O ( x ) . {\displaystyle \pi (x)=\Pi (x)+O\left({\sqrt {x}}\right).}

L'hypothèse de Riemann

L'hypothèse de Riemann affirme que tous les zéros non triviaux de la fonction zêta ont pour partie réelle 1/2. Dans ce cas, |xρ| = x, et elle peut être décrite par

ρ x ρ ρ = O ( x ln 2 x ) . {\displaystyle \sum _{\rho }{\frac {x^{\rho }}{\rho }}=O\left({\sqrt {x}}\ln ^{2}x\right).}

De l'égalité, on déduit :

π ( x ) = li ( x ) + O ( x ln x ) . {\displaystyle \pi (x)=\operatorname {li} (x)+O\left({\sqrt {x}}\ln x\right).}

De bonnes preuves de la véracité de l'hypothèse viennent du fait proposé par Alain Connes et d'autres, que si on différencie la formule de von Mangoldt par rapport à x, on a x = eu. Par des calculs, on obtient la formule de trace de l'exponentielle de l'opérateur hamiltonien satisfaisant :

ζ ( 1 2 + i H ^ ) | n ζ ( 1 2 + i E n ) = 0 , {\displaystyle \left.\zeta \left({\tfrac {1}{2}}+{\rm {i}}{\hat {H}}\right)\right|n\geq \zeta \left({\tfrac {1}{2}}+{\rm {i}}E_{n}\right)=0,}

et

n e i u E n = Z ( u ) = e u 2 e u 2 d ψ 0 d u e u 2 e 3 u e u = Tr ( e i u H ^ ) , {\displaystyle \sum _{n}{\rm {e}}^{{\rm {i}}uE_{n}}=Z(u)={\rm {e}}^{\frac {u}{2}}-{\rm {e}}^{-{\frac {u}{2}}}{\frac {{\rm {d}}\psi _{0}}{{\rm {d}}u}}-{\frac {{\rm {e}}^{\frac {u}{2}}}{{\rm {e}}^{3u}-{\rm {e}}^{u}}}=\operatorname {Tr} \left({\rm {e}}^{{\rm {i}}u{\hat {H}}}\right),}

où la somme trigonométrique peut être considérée comme la trace de l'opérateur ei (en mécanique statistique), qui n'est vrai que si ρ = 1/2 + iE(n).

Par une approche semi-classique, le potentiel de H = T + V satisfait :

Z ( u ) u 1 2 π e i ( u V ( x ) + π 4 ) d x {\displaystyle {\frac {Z(u)u^{\frac {1}{2}}}{\sqrt {\pi }}}\sim \int _{-\infty }^{\infty }{\rm {e}}^{{\rm {i}}\left(uV(x)+{\frac {\pi }{4}}\right)}\,{\rm {d}}x}

avec Z(u) → 0 si u → ∞.

Des solutions de cette équation intégrale non linéaire peuvent être obtenues (entre autres) par

V 1 ( x ) 4 π d 1 2 d x 1 2 N ( x ) {\displaystyle V^{-1}(x)\approx {\sqrt {4\pi }}\cdot {\frac {{\rm {d}}^{\frac {1}{2}}}{{\rm {d}}x^{\frac {1}{2}}}}N(x)}

pour obtenir l'inverse du potentiel:

π N ( E ) = arg ξ ( 1 2 + i E ) . {\displaystyle \pi N(E)=\operatorname {arg} \xi \left({\tfrac {1}{2}}+{\rm {i}}E\right).}

Fonction de lissage

La fonction de lissage est définie par

ψ 1 ( x ) = 0 x ψ ( t ) d t . {\displaystyle \psi _{1}(x)=\int _{0}^{x}\psi (t)\,{\rm {d}}t.}

On peut montrer que

ψ 1 ( x ) x 2 2 . {\displaystyle \psi _{1}(x)\sim {\frac {x^{2}}{2}}.}

Formulation variationnelle

La fonction de Tchebychev en x = et minimise la fonctionnelle

J [ f ] = 0 f ( s ) ζ ( s + c ) ζ ( s + c ) ( s + c ) d s 0 0 e s t f ( s ) f ( t ) d s d t , {\displaystyle J[f]=\int _{0}^{\infty }{\frac {f(s)\zeta '(s+c)}{\zeta (s+c)(s+c)}}\,{\rm {d}}s-\int _{0}^{\infty }\!\!\!\int _{0}^{\infty }{\rm {e}}^{-st}f(s)f(t)\,{\rm {d}}s\,{\rm {d}}t,}

ainsi

f ( t ) = ψ ( e t ) e c t pour  c > 0. {\displaystyle f(t)=\psi \left({\rm {e}}^{t}\right){\rm {e}}^{-ct}\quad {\text{pour }}c>0.}

Notes

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Chebyshev function » (voir la liste des auteurs).
  1. Pierre Dusart, « Sharper bounds for ψ, θ, π, pk », Rapport de recherche no. 1998-06, Université de Limoges,‎ . Une version abrégée existe sous le nom « The kth prime is greater than k(ln k + ln ln k − 1) for k ≥ 2 », Mathematics of Computation, vol. 68, no 225,‎ , p. 411-415
  2. a et b Pierre Dusart, « Estimates of some functions over primes without R.H. », Mathematics Subject Classification,‎ (arXiv 1002.0442)
  3. J. Barkley Rosser et Lowell Schoenfeld, « Approximate formulas for some functions of prime numbers. », Illinois J. Math., vol. 6,‎ , p. 64–94. (lire en ligne)
  4. (en) Harold Davenport, Multiplicative Number Theory, New York/Berlin/Heidelberg, Springer, , 104 p. (ISBN 0-387-95097-4, lire en ligne)
  5. Erhard Schmidt, « Über die Anzahl der Primzahlen unter gegebener Grenze », Mathematische Annalen, vol. 57,‎ , p. 195-204
  6. a et b G .H. Hardy et J. E. Littlewood, « Contributions to the Theory of the Riemann Zeta-Function and the Theory of the Distribution of Primes », Acta Mathematica, vol. 41,‎ , p. 119-196.

Références

  • Tom M. Apostol, Introduction to analytic number theory, New York-Heidelberg, Springer-Verlag, coll. « Undergraduate Texts in Mathematics », , 340 p. (ISBN 978-0-387-90163-3, lire en ligne)

Liens externes

  • icône décorative Portail des mathématiques